Description du projet

Entre avril et juillet 2009, les adolescents détenus à l’EPM de Meyzieu ont pris part à la création d’un film.
Les deux intervenants, Valérie Thévenet et Nicolas Damon de Canopée Formation,   ont d’abord accompagnés dans l’écriture d’un scénario.
Pendant deux mois, ces enfants, souvent en échec scolaire, ont fourni un vrai travail d’écriture. L’idée était de favoriser l’expression de leur imagination tout en les amenant à respecter des logiques de sens et de rythme.

Le positionnement d’auteurs était encouragé : les adolescents se sont exprimés en liberté, racontant leurs histoires, avec leurs mots ; la seule contrainte étant de respecter les différentes interdictions légales. Les intervenants leur ont donné des bases de dramaturgie, leur montrant comment étayer les personnages, découper et articuler les séquences, donner du rythme aux dialogues, insérer une voix off.

Le travail s’est fait à partir de films qu’ils avaient vus et aimés : le groupe des filles avait choisi Le Monde de Narnia, et le groupe de garçons Scarface. Ne pouvant pas visionner les films à cause de contraintes matérielles, le travail s’est fait d’après les souvenirs qu’en avaient les participants. À partir de ce qu’ils avaient vu en tant que spectateur, ils se sont interrogés sur ce qu’ils voulaient montrer en tant qu’auteurs.

Cinq histoires ont été retenues. Elles ne parlent pas de la prison, mais des relations familiales, amoureuses et amicales. Elles ressemblent à leurs auteurs, elles utilisent leurs mots et montrent leur monde. Elles sont un peu sombres, mais elles sont justes. Nous nous sommes bien gardés d’intervenir dans leurs histoires en indiquant ce qui nous semble bien ou mal, beau ou laid, intéressant ou pas.

Dès le début, les jeunes participants ont été confrontés à un dilemme.
Ils avaient tous très envie de jouer dans le film, mais en raison des termes de l’Ordonnance de 1945, il était plus simple de ne faire apparaître à l’écran ni leurs voix, ni leurs visages, ni leurs patronymes. S’ils décidaient malgré tout de jouer dans le film, celui-ci ne pourrait être montré qu’au sein de l’établissement. En revanche, s’ils acceptaient de ne pas être acteurs, mais auteurs du scénario et présents pendant le tournage, alors leur film pourrait être diffusé à l’extérieur –dans le respect des termes de l’Ordonnance de 1945.

À l’unanimité, ils ont choisi la deuxième option.
C’était une décision mature ; en renonçant à leur désir premier, ils se donnaient la possibilité de faire entendre leur voix au-delà des murs de la prison.

Le tournage du film a eu lieu au sein de l’établissement, et les personnages ont été interprétés par des comédiens professionnels. Les scènes ont été tournées dans différents lieux: le terrain de football, le gymnase, la serre, la bibliothèque. Au sein d’une unité de vie libre, des espaces ont été recréés : un restaurant, une salle à manger. Au total, une quarantaine de personnes extérieures (techniciens, comédiens) ont obtenu des autorisations d’entrée.Les jeunes auteurs ont pu participer aux différentes phases de la réalisation, donnant des indications aux comédiens, et disant à tour de rôle : « Silence, moteur, ça tourne ! ».

Ces conditions exceptionnelles ont été permises par un partenariat étroit avec la Direction Interrégionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (DIRPJJ) Centre Est, la Direction Territoriale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse du Rhône (DTPJJ) et la Direction de l’établissement pénitentiaire et la Direction du Service Educatif. Les modalités de mise en œuvre ont été discutées pendant un an et demi.

Résultats et perspectives du projet

Les films ont donné lieu à une projection officielle en présence des partenaires institutionnels le 13 mai 2011, soit deux ans après le début du projet.
Ils ont ensuite été présentés à plusieurs groupes d’adolescents détenus, qui n’étaient pas les mêmes que les participants.

Ils ont été montrés dans le cadre de colloques, de manifestations culturelles (la Caravane des dix mots), et à l’occasion d’une journée organisée par la Cour d’appel (de Lyon) sur le thème de la délinquance des mineurs.

Ils doivent à présent être portés devant le grand public, car ils vont à l’encontre de beaucoup d’idées reçues. En juin 2012, une projection sera organisée dans la grande salle du cinéma Pathé de Vaulx-en-Velin.

Contractualisation du projet

Convention tripartite entre Canopée Formation, la Direction Interrégionale de l’Administration Pénitentiaire et la Direction Interrégionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (DIRPJJ) Centre Est. Tout trois sont coproducteurs du projet.

Maia Harriague