Les résistants Vaudais existent toujours

Le contexte

La Seconde Guerre Mondiale a débuté, il y a 79 ans. Une histoire, bien lointaine pour nos jeunes. Avec une tendance à relativiser, à nier -ou même pire- les atrocités qui y ont été commises. Sans être démissionnaires, certains professeurs disent leurs difficultés à enseigner encore cette période de notre histoire commune. Si les initiatives comme la Semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme viennent renforcer les bases du vivre ensemble, en direction de cette jeunesse, il reste impératif que nous soyons tous concernés par des situations qui se dégradent sensiblement dans nos quartiers. Nous portons tous la responsabilité d’entamer des dialogues pour que rien ne soit oublié et que cela n’advienne plus jamais.

Quels sens pour des jeunes, habitant un quartier, de devoir se souvenir d’une histoire vieille de presque 80 ans apparemment résolue alors que toutes leurs préoccupations de jeunes citoyens les ramènent à des conflits actuels apparemment sans lien avec cette période ?

Maurice Luya et Monique Martin pourraient nous aider à avancer dans le questionnement. Tous deux étaient de grandes figures de la Ville de Vaulx en Velin et proches de la Résistance. Ils avaient entamé un nouveau combat en devenant d’infatigables conteurs de ce moment tragique de l’histoire auprès de la jeunesse vaudaise. Ils nous ont quittés en 2014.

Ils étaient des passeurs. A notre tour de perpétuer ce devoir de mémoire.

La genèse du projet La Ville de Vaulx en Velin souhaite faire un film documentaire à partir des archives qu’elle détient de Maurice Luya et Monique Martin. Une mémoire essentielle mais qui, en l’état d’archives, reste peu exploitable. Il lui parait indispensable de ne pas se contenter de la garder. Il faut la faire vivre, à travers des diffusions, auprès de la jeunesse qui ne sent pas concernée par les temps de commémorations. Il ne faut pas juste inscrire Maurice et Monique sur des monuments.
L’association Canopée Formation a pour objet le développement de projets audiovisuels et culturels afin de renforcer le lien social. Nous travaillons dans les quartiers, les prisons, …où certaines marginalités se construisent et les représentations qui les étayent se renforcent. Le but de nos différents projets est d’entamer des dialogues, en se servant de la réalisation de films, pour remettre la différence à sa juste place de vecteur de richesses et non d’obstacle à l’entente.

De nos échanges avec la Ville de Vaulx en Velin, il nous apparaît très clairement que le projet ne peut pas se limiter à un montage « attractif » d’archives, dispensé à des collégiens et lycéens. Le film à réaliser ne doit pas être réfléchi pour la jeunesse, mais pensé et réalisé avec elle pour qu’elle puisse s’approprier cette histoire qui est bien la sienne.

Un projet par, avec et pour des collégiens et des lycéens

La question de l’identité est bien sûr centrale dans la manière d’aborder le devoir de mémoire sans qu’il ne s’agisse une nouvelle obligation scolaire. Utiliser la porte de la Grande Histoire pour ouvrir celle de sa propre histoire territoriale, familiale… Qui dit « identité » dit « identification » …et comment s’identifier à de vieilles personnes ? Quelles images peuvent-ils en avoir ? Sachant qu’elles ne sont plus là pour s’incarner.

Nos jeunes ne sont pas justes devant leur écran à liker ou à faire des selfies. Ils sont alimentés par des images ultra réalistes et violentes d’autres conflits…sans comprendre, sans faire de lien avec le passé. C’est bien davantage le conflit israéloarabe et ses ramifications qui les mobilisent.

Le parti pris du projet est de se souvenir de Maurice Luya et Monique Martin, non pas comme on pouvait les croiser à Vaulx en Velin en 2010…mais d’eux lorsqu’ils avaient juste franchi les portes de l’adolescence et qu’ils sont rentrés en résistance. Les voir à 18 ans… à travers les « yeux » et « le cœur » des jeunes participants, sensiblement du même âge.

Le projet comporte plusieurs volets : – Les échanges préparatoires au film (qui donneront lieu à des prises de vue régulières) – La réalisation de supports visuels retraçant la vie de Maurice et de Monique – La diffusion de ces supports dans le cadre de débats avec des lycéens et collégiens mais également avec des citoyens.

Dans cette dynamique, ce projet a pour objectif de :  – Confronter les jeunes au réel de l’histoire (archives, rencontres avec des historiens, déplacements sur des lieux retraçant l’histoire…) – Travailler leurs représentations sur cette période de l’histoire – Interroger (soi et les autres) les thématiques de résistance, génocide, antisémitisme, négationnisme…

Les outils du projet

Les interviews Elles seront réalisées, en individuel et en collectif, avec les participants, à toutes les étapes du projet. Elles permettront de travailler sur leurs représentations et de mesurer leur évolution.

Les rencontres Axe majeur de la confrontation avec le réel historique, les jeunes participants deviennent « acteur de l’histoire » en allant chercher de la matière auprès de professionnels, de personnes pouvant encore témoigner…plutôt que « récepteur » d’une matière scolaire. 

Les déplacements Autre élément majeur de confrontation, car au-delà des mots, les objets, les lieux contiennent une force symbolique démonstrative. Un nom et un âge sur une stèle d’un cimetière militaire, les grilles d’entrée d’un camp de concentration…

La reconstitution Loin d’une histoire fantasmée, faire appel à l’imaginaire est aussi un bon vecteur pour venir se confronter au réel. S’imaginer l’époque…des amis qui prennent un café, un tank qui roule dans la rue d’une ville désormais occupée, une rafle à la sortie d’un cinéma… à travers une reconstitution permet de comprendre l’histoire autrement.

Les diffusions Le/les support(s) visuel(s) réalisé(s) donneront lieu à des diffusions suivies de débats. A la destination d’autres collégiens et lycéens mais également de citoyens car il serait réducteur de limiter l’intérêt de la parole de jeunes à la seule jeunesse. Il parait intéressant d’envisager qu’ils puissent aussi nous donner des leçons d’histoire.